Rétrospective

Du 26 avril au 15 juin 2025, la ville d’Avallon (Bourgogne) accueille dans le cadre majestueux des salles Saint-Pierre et La Fabrique la première rétrospective de Vladimir German (1940-2019). Une occasion unique de découvrir cet artiste, peintre et sculpteur, né en URSS, régulièrement exposé aux Etats-Unis, mais encore inconnu en France.

Catalogue

Editeur : Les Berceurs d'instantanés
Photos atelier : Thomas Journot (site)
Gravure : Intaglio (site)
Scénographie de l'exposition : Sterenn Marchand-Plantec (compte instagram)



Ils en parlent...

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Les mots de...

Michel Pastoureau

Il est des artistes dont l'œuvre demande un certain apprentissage ou une fréquentation régulière avant d’être comprise puis appréciée. Il en est d’autres, en revanche, dont le travail engendre une adhésion immédiate et une sympathie directe. Vladimir German est de ceux-là, du moins pour ce qui me concerne. J’aurais non seulement aimé l’entendre parler de chacune de ses œuvres mais aussi apprendre à ses côtés et partager son regard sur les formes, les couleurs, les matières et les techniques. Il les a toutes sollicitées au gré de ses ports d’attache, de ses rencontres, de ses envies et de ses curiosités, mais loin de traduire une certaine et bien compréhensible diversité, son œuvre présente au contraire une forte et séduisante unité. C’est du reste cette unité qui m’a frappé la première fois que le travail de Vladimir m’a été présenté par son épouse Fabienne, l’année dernière, à Semur-en-Auxois, petite cité de caractère sise dans le nord de la Bourgogne. Là, l’artiste a travaillé lors des trente dernières années de son existence, dans un cadre tout à la fois apaisé et apaisant, au bord d’une jolie rivière sinueuse et musicale, l’Armançon, affluent de l’Yonne. La visite de son atelier, resté partiellement en l’état, m’a montré non seulement un lieu plein de charme et de discrétion, mais en totale harmonie avec les œuvres qui s’y trouvaient et s’y trouvent encore.

Tout ici est à l’opposé de ce qui se voit le plus souvent dans les galeries parisiennes d’art contemporain, c’est-à-dire la frime, le clinquant, la proclamation d’une appartenance à tel mouvement et pas à tel autre, voire, plus insupportable encore, l’envie de « faire le malin ». Dans le travail de Vladimir German, le criard et le tape-à-l’œil sont totalement absents. Je ne peux que m’en réjouir. En outre, qu’il s’agisse de peintures ou de sculptures, sa palette est la mienne, faite des tons mats, de dominantes s’inscrivant dans la gamme des bruns et des gris, de teintes légèrement voilées, parfois un peu fanées, ou bien de contrastes sourds et subtilement monocordes. Pas de rose ni d’orangé agressifs, pas de ces violets artificiels dont usent et abusent les faux artistes, peu de jaunes, peu de rouges, quelques verts joliment foncés, mais surtout, outre les bruns admirables et les gris indispensables, des bleus du soir, des blancs terreux, des noirs pas tout à fait noirs mais noirs quand même. Et plus remarquable encore, des couleurs mates, celles qui sont chères à ma vue et à l’idée que je me fais d’une palette harmonieuse et sincère. Faire briller les couleurs c’est toujours les trahir et les rendre disgracieuses.

Au demeurant, il me semble que c’est cette matité qui fait l’unité du travail de Vladimir German, qu’il soit peintre, graveur, sculpteur, assembleur de matériaux divers. Je reconnais et j’admire cette matité pleinement à l’œuvre dans ses compositions associant le bois, la terre, la pierre et le métal, avec quelquefois une touche de peinture blanche ajoutée ici ou là. Je la trouve également dans ses natures mortes, intemporelles et silencieuses, et dans ses portraits peints, graves et concentrés. De nos jours, peindre en tonalités mates est plus difficile et plus ingrat que de barbouiller le support de couleurs vives. Non seulement en raison des pigments disponibles, des éclairages trop violents et des attentes perverties d’un certain public, mais aussi à cause des moyens modernes de reproduction, qui tentent de faire connaître les œuvres d’un artiste mais qui trahissent souvent son travail : comment traduire la matité des couleurs sur le papier glacé d’un catalogue ou sur l’écran étincelant d’un ordinateur ? C’est un combat perdu d’avance.

De fait, il semble y avoir chez Vladimir German quelque chose d’artisanal et de noblement résigné, une attitude qui tourne le dos aux gadgets de la modernité et préfère les matériaux naturels à ceux de l’électronique. D’où cette délicate impression de mélancolie qui affleure dans ses paysages pluvieux, ses lumières vespérales, ses visages aux yeux mi-clos et ses teintes mates.

Les couleurs mates sont toujours des couleurs mélancoliques.